Quand l’empire de la paresse déclinera-t-il ?

Quand l’empire de la paresse déclinera-t-il ?

Territoire du royaume©photos ntm
Territoire du royaume du Kansala

« Tout reste à faire dans le domaine de l’archéologie. » Djibril Tamsir Niane, LES SOURCES ORALES DE L’HISTOIRE DU GABU, 29. Numéro 28

Gabù, ville historique avec pour seule trace d’histoire, la présence majoritaire de population peule. Mais pour comprendre cette présence, il faut interroger l’histoire ?

Vendredi, 3 juin 2016. La veille, j’ai juste grignoté mon sommeil, les yeux sur mon écran : à bosser. Objectif : avoir la journée du 4 juin pour me rendre dans la Kansala.

Samedi 4 juin. Je me fais conduire sur le site de la Kansala, où, m’a-t-on dit, existait un empire ou un royaume – le vocabulaire bégaie ; on parle d’empire du Gabù mais on nomme les rois, je me dis que cela devrait être les empereurs, bref – : Kansala. Je suis présenté au Guide : Tombo Sané, la soixantaine – si ce n’est cette misère qui se lit sur son visage qui a falsifié son âge. Je lui demande s’il est descendant de griots ou des rois. Il dit être de la lignée royale. Descendant du 12ème et dernier roi de la Kansala, Djanké Wali Sané.

Il me conduit sur l’emplacement du palais. Il décrit certains endroits : le mur de 7 mètres de haut et de 7 mètres de large (aujourd’hui longue monticule de terre sur laquelle ont poussé des arbres ! je pense au mur d’Agokoli) sur un rayon de 9km, la guérite de la sentinelle (plus sorcier que guerrier), le fétiche qu’il se refuse formellement de nommer ; Pierre des guerriers NTM 2016la pierre des guerriers avec ses trois creux où on mettait du lait de vache, du sang d’une victime et du vin, (les autres trois creux seraient les empreintes laissées par le fétiche qui venait s’accroupir pour boire : aisé de se représenter les membres dudit fétiche), la monticule de fiente de chevaux, les ossements des derniers morts de la bataille du Kansala

Pierre de guerriers NTM
                         Pierre des guerriers

(il y a en effet, des milliers de fragments d’os), la tombe du fils aîné de Djanké Wali Sané, Montant Sané… Pendant 75 ans dit-il, aucun arbre n’a poussé dans l’empire du Kansala. Un fils de Djanké Wali Sané se serait rendu en Mauritanie et un féticheur lui aurait remis un talisman, lequel, à son retour, fit pousser les arbres dans l’empire.

 

Question : quelle relation Djanké Wali Sané avait­-il avec Soundjata Kéita ?

Réponse : Djanké Wali Sané était son neveu ?

Question : Combien d’enfants Sogolon Djata avait-elle eu avec le père de Soundjata Kéita ? Est-ce qu’il connaît Sogolon Djata ?

Réponse : Oui, elle est la femme-buffle qui a enfanté Soudjiata Kéita. Elle n’a eu que lui.

Question : Et d’où lui vient ce neveu ?

Réponse : Soundjata Kéita avait des demi-frères auxquels il a permis de quitter le royaume. Ils étaient six. Et il les a fait accompagner d’un général, son homme de confiance. Le père de Djanké Wali Sané, Brouahima Sané est né au Mali. En quittant l’empire du Mandingue ilss sont passés par Marou (Guinée  Conakry), Payoungou Tabadibi où est né Djanké Wali Sané (Casamance), ensuite Pirada en Guinée Bissau et il s’est installé à Gabù.

Question : ça signifie que le royaume existait déjà ?

Réponse : Tu poses trop de questions. Il faut que tu augmentes l’argent.

Ou c’est mon traducteur du créole portugais en français qui est fatigué et me joue des tours, ou le guide a vraiment demandé l’argent.

Précision : il a déjà pris 5000FCFA. Une fortune.

Je commente : la mémoire de ses aïeux n’a pas de prix. Il devait plutôt payer les touristes pour qu’ils parlent de ce royaume afin que l’histoire de Djanké Wali Sané vive à jamais.

Il rigole : aucun de mes fils ne vient plus ici dit-il ; ils disent qu’il n’y a pas d’argent.

Question : Djanké Wali Sané est le 12ème roi : est-ce que tu connais les précédents ?

Réponse : Non !

Question : A quand remonte la fin du Kansala ?

Réponse : il y a 999 ans.

Je calcule mentalement : autour de 1017. Ce n’est pas cohérent.

Question : De quelle génération est-il lui depuis Djanké Wali Sané ?

Réponse : 4ème génération.

De moins en moins cohérent. Je le lui fais comprendre. Alors il me cite ses aïeux : je suis Tombo Sané, fils de Sadjo Sané, fils de Nyurkundo Sané, d’Ansoumane Sané, de Toura Sané, premier fils de Djanké Wali Sané, dont la femme était Koumba Wari Mané.

Question : Tu as montré la tombe du premier fils de Djanké Wali Sané  en disant qu’il s’appelait Montant Sané : combien de premiers fils avait-il ?

Réponse : Tu me fatigues.

Mon traducteur : Tu as fait quoi comme études ? Le droit ?

Question : Tu as dit avoir une photo de Djanké Wali Sané. Il y a 999 ans, le blanc n’avait pas encore fabriqué le premier appareil photo. Est-ce que je peux voir la photo de Djanké Wali Sané ?

Réponse : Donne-moi de l’eau à boire.

Je lui tends ma bouteille et ferme la porte des questions.

Je remarque qu’il sort une noix de cola et la sépare en deux d’un vigoureux coup de dents. Je me dis qu’il veut m’en donner. Il fourre un morceau dans sa poche et se met à croquer l’autre. Au moment de le quitter, je fouille ma poche et lui tends deux pièces de cent francs : achète la cola, lui dis-je. Il me dit merci.

Je conclus avant de partir qu’il maîtrise très peu l’histoire de ses aïeux. Je le conseille de construire sur le site, des baraques pour marquer les lieux historiques comme le premier président de la Guinée Bissau Luis Cabral, avait voulu faire.

Rentré à Gabù, je m’installe devant mon ordinateur et Internet m’apporte certaines réponses qui manquaient au récit de Tombo Sané. Il y a des recoupements de noms, mais les historiens se tairont-ils longtemps encore plutôt que de combler les pages manquantes de cette histoire ?

Suivez les liens.

https://ethiopiques.refer.sn/spip.php?article862

https://ethiopiques.refer.sn/spip.php?article860

https://ethiopiques.refer.sn/spip.php?article857

https://ethiopiques.refer.sn/spip.php?article854

 

 

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